dimanche 26 janvier 2014

La princesse au pied léger

Ce conte est issu de la mythologie grecque

Atalante était une vraie sauvageonne. Elle n'aimait qu'une chose : courir les bois. chaque matin, dès l'aube, vêtue d'une courte tunique et les cheveux au vent, elle sortait furtivement du palais pour aller danser pieds nus dans la rosée, avec les cerfs, les biches et les lapins. Tout le jour, elle vagabondait sous les ombrages, se nourrissant de baies, buvant l'eau des sources et parlant aux oiseaux. Car, à force de les fréquenter, elle avait appris le langage des bêtes, dont elle préférait la compagnie à celle de ses semblables.

Elle ne rentrait chez elle qu'au crépuscule - et encore, pas toujours.
Quand la nuit était belle, elle aimait mieux dormir sous les étoiles que dans son lit à baldaquin...
Ce comportement tracassait son père, le roi Iasos, dont elle était la fille unique.

-Quand te décideras-tu à devenir raisonnable ? lui demandait-il souvent.
-Jamais! répondit-elle en riant.
-Tu as dix-huit ans, insistait le roi. il faut que tu te maries, et que tu aies des enfants.
-Me laisser emprisonner par les bras d'un homme? Plutôt mourir !
-Qui, alors, me succédera sur le trône, quand je serai trop vieux pour régner?
La princesse haussait les épaules.
-Ne compte pas sur moi pour te donner un héritier, car je n'aurai jamais qu'un seul amour : la liberté.

Or, un jour qu'elle causait avec un vieux hibou, assise à la fourche d'une branche, un prince vint à passer. il se nommait Hippomène et, sitôt qu'il la vit, il en tomba amoureux.

-Soyez ma femme! s'écria-t-il, en se jetant à ses genoux.
Bien entendu, Atalante refusa.
Mais Hippomène était têtu. il s'en fut demander sa main au roi Iasos.
-Essayer de la conquérir, lui conseilla ce dernier. Si vous y parvenez, je serai le plus heureux des hommes.
Le prince fit de son mieux - sans le moindre succès.
Offrait-il un bouquet à la princesse? elle le repoussait :
-Les fleurs sont faites pour vivre dans la nature, pas dans un vase !
L'invitait-il à une partie de chasse?
-Tuer mes amis les animaux? protestait-elle avec indignation. Avez-vous perdu l'esprit?
Proposait-il d'organiser un bal en son honneur?
-Me voyez-vous piétiner comme une sotte au milieu de cette foule stupide? s'esclaffait-elle

Bref, le pauvre Hippomène se faisait rabrouer sans cesse. Mais comme, malgré tout, il s'obstinait, Atalante finit par lui dire :
-Je vous épouserai si vous me battez à la course. Dans le cas contraire, vous disparaîtrez de ma vie à jamais.
C'était, pensait-elle, le meilleur moyen de se débarrasser de lui : accoutumée depuis son plus jeune âge à suivre le gibier dans sa fuite, elle était plus rapide que le vent. Le prince, en revanche, manquait d'entraînement...
Cependant, il releva le défi. non qu'il se croie capable de courir plus vite qu'elle, mais il avait un plan...
L'épreuve fût fixée au lendemain matin. Les deux concurrents devaient parcourir plusieurs kilomètres dans la campagne, avant de revenir à leur point de départ où les attendait une foule nombreuse.
Dès les premiers cent mètres, Atalante distança sans difficulté son adversaire.
Ce qu'elle ignorait, c'est qu'il avait posté des domestiques le long du parcours, avec mission de la ralentir.
Et de quelle manière?

En jouant sur sa gourmandise, tout simplement. Car - j'ai omis de vous le signaler- Atalante adorait les fruits. les pommes, en particulier...
Dès qu'elle fut en vue, le premier domestique, discrètement, posa une grosse pomme rouge au milieu du chemin. Comme prévu, la princesse ne put résister à la tentation : elle s'arrêta, la ramassa et la croqua à belles dents, avant de poursuivre sa route.
Quelques mètres plus loin, une magnifique pomme verte l'attendait. Plus loin encore, une jaune, et ainsi de suite...
Chaque fois, Atalante s'arrêtait, ramassait le fruit et le mangeait, ce qui donna au prince le temps de la rejoindre, puis de la dépasser. De sorte qu'il franchit avant elle la ligne d'arrivée.
Sa victoire fut saluée par une ovation générale.
-Dans mes bras, mon gendre! s'exclama le roi, tout content.
Puis, se tournant vers la perdante :
-Embrasse ton futur époux ! ordonna-t-il.
A ces mots, Atalante éclata en sanglots.
-Artémis, cria-t-elle, en levant vers le ciel ses yeux noyés de pleurs, viens à mon secours! Toi qui, comme moi, as préféré les grands espaces à la promiscuité du lit conjugal, empêche que l'on m'enchaîne dans les liens du mariage !
Touchée par sa prière, la déesse la changea en biche. Ainsi, jusqu'à la fin de ses jours, Atalante put courir les bois, sans qu'aucun homme cherche à la capturer.
Sauf les chasseurs, bien sûr !
Bonne nuit !

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